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Histoire du Pont de Claix

     

Ponts et Ports de Claix
extrait de "Histoire de Claix" de Jean-Claude Michel

Vous pouvez lire l'intégralité du texte qui retrace l'histoire du Drac et de ses ponts

ou aller directement à l'intervention de Lesdiguières

Le nom du Drac viendrait de "drouke", mot signifiant "mauvais", puis, par extension "diable" et cela montre bien la peur qu'il inspirait aux hommes. On l'a symbolisé également sous les apparences d'un dragon. Mais c'est seulement à partir du XIIème siècle qu'on l'a affublé de ces épithètes hautement significatives.

Avant cette époque, selon Auguste Bouchayer, si le Drac n'a pas d'histoire connue, c'est parce qu'il coulait sans inquiéter personne, sans débordements spectaculaires et, surtout, sans variations de cours. Mais ce "cours fixe" n'est pas connu avec certitudes.

Durant toute la préhistoire, et même au delà, on le franchissait par des gués, dont l'un, bien attesté, se situait à hauteur du "Saut du Moine". Un autre est largement conjecturé à hauteur de Comboire.

A compter du XIème siècle, on est à peu près certain de l'existence d'un port avec un bac pour le passage de la rivière. Mais, selon Pilot, un premier pont existait déjà à cette époque, non loin du lieu où s'élèvent les ponts actuels. Etait-il d'origine antique? Rien ne le prouve mais rien ne l'interdit non plus.

C'est ce pont qui aurait été renversé en 1219.

Cette année là, en effet, dans la nuit du 14 au 15 septembre "le Drac sortit de son lit et ses eaux bourbeuses, traînant avec elles les débris des campagnes ravagées, envahirent Grenoble et semblèrent devoir l'ensevelir de leurs flots".

L'eau dépassa de neuf mètres son niveau habituel.

Cette catastrophe - l'une des plus dramatiques du moyen âge, qui eut des répercussions sur le Rhône jusqu'à la mer - avait été provoquée par la rupture des digues d'un lac formé artificiellement depuis 1191 dans la plaine du Bourg d'Oisans, par suite d'un éboulement considérable de la Petite Vaudaine, en face de l'Infernet ; sous la poussée des eaux, grossies par des pluies diluviennes, le barrage s'écroula, cette nuit là, livrant passage à une trombe qui suivit le cours de la Romanche, emportant tous les ponts jetés sur cette rivière, puis sur le Drac.

Un nouveau pont dut être édifié (ou réédifié) peu après à Claix, car un acte du 7 mai 1270 en fait mention. Il s'agit d'un acte de donation par lequel :

"Guillaume de Claix, prévôt de Saint André de Grenoble fait donation au chapitre Notre Dame, du pont et du port de Claix avec leurs dépendances ainsi que d'un pré situé au-delà du pont édifié par Scalpin ("quem edificavit Scalpinus"), moyennant engagement pour trois anniversaires à célébrer chaque année: un le jour de son décès, un autre à la fête de Saint André, le troisième à celle de Sainte Anne, de partager aux prêtres célébrants trois sols et de payer, aux foires de Grenoble, soixante sols viennois pour les pelisses de Grenoble".

Cet acte est d'une grande importance car il atteste l'existence d'un pont appartenant, dès avant 1270, à la famille de Claix.

Peu après, une transaction du 7 avril 1277 confirme l'existence de ce pont sur le Drac à Claix : il s'agit d'un arrangement entre Gontier de Claix, prieur de Risset et Girard Bertrand, au sujet d'une terre "sur les bords du Drac, près du pont de Claix ("pontem de Clays"), entre la route qui mène audit pont et celle qui conduit à Claix, laquelle terre dépendait de la directe du prieuré de Risset".

Selon Louis Royer, "ce pont, auquel aboutissaient sur la rive gauche du Drac, les routes de Claix et de Vif, était situé à l'embouchure du ruisseau de la Suze... Son emplacement ne devait pas être sensiblement différent de celui qu'occupe le pont de Lesdiguières et que, par suite, le Drac passait (donc) déjà à cette époque entre les deux rochers du Pont de Claix...".

Son existence dut d'ailleurs être assez brève car un autre acte du 14 juin 1307, reproduit ci après, fait allusion au pont détruit naguère :

"...Ind. 5 ...Jacques de Commiers, doyen et le chapitre Notre Dame de Grenoble.. Soffred d'Arces, prieur de la Roche, Girard de Theys, sacristain, Berlion Alamandi, chantre,Jacques des Vignes, infirmier, Guillaume de Royn, prieur de l'aumône de Saint Hugon, Bernard de Francin, archiprêtre d'au delà du Drac, Thomas Grivelli, archiprêtre du Viennois, Jean de Cizérin et neuf autres chanoines, considérant que le port de Claix, tenu par leur procureur des anniversaires, à raison de la destruction du pont, ne leur est d'aucune utilité et que les frais en barques, cordages, familiers et mercenaires ne sont pas compensés, du consentement de leur évêque Guillaume l'albergent et le cèdent en emphytéose à Guigues Alamandi, seigneur de Claix, pour deux livres de poivre annuelle, quatre de plaid, dix sols de cens bonne monnaie antique à leur maison de la Balme de Claix, à l'église de Claix, une obole d'or au Dauphin de Viennois qu'ils lui devaient pour la garde du port et neuf livres à leur procureur des anniversaires. ..".

Le seigneur de Claix, cité dans cet acte, Guigues Alleman, prit, selon Pilot, le port sous sa protection, faisant veiller par ses officiers, à ce qu'il fut muni d'une bonne barque, de bons cordages et qu'on y courut aucun danger.

Une ordonnance du juge majeur du Grésivaudan, en date du 10 mai 1337, porte commission aux châtelains de Vif et de Pariset d'enjoindre et de faire commandement au seigneur du port de Claix de le tenir en bon état, afin que toutes personnes y pussent passer sans péril à peine de privation des émoluments du port.

Où était ce port ?

Selon A. Bouchayer, le Drac faisait alors, à la sortie de la plage de Rochefort, une boucle très fermée et se séparait en deux : la branche principale contournant le rocher du Mollard sur la rive gauche, la rive droite étant limitée par le bois Rosette ; le torrent se dirigeait ensuite directement sur Grenoble par l'actuel cours Saint André. Le port de Claix était, semble t-il, à l'aplomb de la dernière branche et le pont légèrement à l'Ouest.

En 1373, le fermier du port de Claix expose au Conseil Delphinal qu'il ne peut payer son fermage, toute circulation étant impossible entre Grenoble et le port, sur une route submergée par les crues du Drac. Il en est de même en 1375, 1376 et 1377.

Les travaux entrepris à partir de 1378 par les soins des consuls de Grenoble pour endiguer le Drac à Marcelline sembleraient indiquer que le torrent, par suite de crues subites, avait débordé de la plaine d'Echirolles.

Selon L. Royer on aurait construit cette digue à l'emplacement de celle appelée, plus tard, "digue de la Marcelline", au pied du coteau de Champagnier pour contraindre le torrent à passer entre les deux rochers de Claix, le Mollard et le Grand Rochefort, la passe entre les rochers supportant les ponts actuels devant être approfondie.

Le traité passé le 31 janvier 1378 par les consuls de Grenoble avec l'entrepreneur Vivian Pellorce réglait les détails des travaux à effectuer pour détourner le Drac et le faire passer entre le Mollard et le Grand Rochefort :

"... prix fait donné par les consuls de Grenoble à Vivian Pellorce, pour détourner ou faire détourner, vers l'endroit désigné, c'est à dire entre les deux rochers situés dans le mandement de Claix, au dessous de l'eau de la Suze, la branche mère de l'eau dudit Dracet pour maintenir ladite eau du Drac, soit la branche mère ou la plus grande partie de l'eau entre les deux dits rochers, pendant les quatre prochaines années, moyennant 700 florins d'or...".

Le point litigieux sur lequel se sont penchés plusieurs auteurs est de savoir si la passe a été approfondie ou non. Selon Bouchayer, la réponse à cette question est donné par l'examen détaillé du contrat lui même. En outre, sa thèse est ensuite confortée par la relation de la découverte d'une digue ancienne au "Saut du Moine" prouvant que, depuis le moyen âge, le lit du Drac s'est élevé de quatre à cinq mètres. Elle s'appuie encore sur les profils de travers qui furent relevés à l'occasion du passage du siphon des conduites de Rochefort, en 1882. Ces profils qui donnent le fond rocheux du Drac, montrent nettement, selon lui, un approfondissement artificiel de la passe naturelle dont le fond serait à quatre mètres environ au dessous des basses eaux, le point le plus bas de l'approfondissement, fait de main d'homme, allant à neuf ou dix mètres au dessous des mêmes eaux.

Et A. Bouchayer de résumer ainsi son opinion :

"entre les rochers de Pont de Claix existait une passe, autrefois parcourue par les eaux du torrent et dont la partie basse devait être, en 1378, à peu près au niveau du lit du Drac. Pour faire de cette passe le lit majeur de la vallée, on dut l'approfondir de quatre à cinq mètres et barrer l'ancien cours. Ce fut l'amorce de l'ouvrage qui devint la digue de Marcelline et qui constitue, aujourd'hui encore, la principale défense de notre cité".

Après d'importants débordements survenus en 1380 et montrant que les travaux de Pellorce n'avaient pas résolu le problème, on confia, en 1382, à trois maîtres ouvriers de Vizille la construction de "dix arches au port de Claix".

Le mot "arche" désigne une sorte de coffre en bois rempli de sable ou de pierres, placé sur le bord ou dans le lit d'un torrent et qui joue le rôle de digue ou d'épi.

Une nouvelle crue du Drac, dans l'hiver 1396-1397 prouva que les digues n'avaient pas la solidité souhaitable : leur réparation provoqua des conflits entre les consuls de Grenoble qui faisaient effectuer celles ci et les riverains de Sassenage, Seyssins et Pariset qui, effrayés par le nouveau cours du Drac, allaient détruire la nuit ce que les ouvriers faisaient le jour.

Le XVème siècle n'est qu'une longue suite de débordements du torrent et d'efforts épuisants faits par les hommes pour le maintenir entre les deux rochers de Claix et dans le canal finalement creusé vers l'Ouest pour éloigner de Grenoble, la menace permanente qu'il représentait.

Or, il y revient sans cesse et des lettres de Charles VIII le montrent sous les murs de la ville en 1492.

Le siècle suivant voit la poursuite incessante des travaux de consolidation des digues du Drac, particulièrement en 1519, 1556 et 1594.

A la suite de nouvelles crues dévastatrices, la lutte reprit activement en 1603. Trois arches furent exécutées en face de Comboire et la réception en fut faite par le célèbre maître maçon Louis Bruisset, auquel on doit la façade du palais du Parlement du Dauphiné. Le roi accorda pour ces travaux un crédit de 50 000 livres financé par une taxe sur les vins entrant à Grenoble.

Le bac de Claix, appartenant depuis 1593 à François de Bonne, Lieutenant Général en Dauphiné, était d'un fonctionnement précaire et, sous l'impulsion de celui ci, il fut question de le remplacer par un pont en pierre "commode et solide".

Dès l'année 1604, les possesseurs de fonds sur les rives du Drac, les commerçants du Trièves et autres personnes intéressées à cause de leurs rapports fréquents et journaliers avec la ville de Grenoble, furent autorisés à s'entendre sur les moyens propres à employer pour arriver à un résultat satisfaisant. Des réunions eurent lieu, un plan, un devis des travaux et un état des lieux furent dressés par François Grattet, Trésorier Général en Dauphiné.

Une requête fut alors présentée au roi, tendant à obtenir l'autorisation de faire construire, à leurs dépens, un pont en pierre sur le Drac en remplacement du port ou bac existant et à lever la somme nécessaire à l'établissement de ce pont, évaluée à 13 400 livres, montant d'un premier devis.

Au vu de cette requête intervinrent, le 10 novembre 1607, un arrêt du Conseil d'Etat et des lettres patentes du roi Henri IV, permettant la levée des 13 400 livres prévues, avec autorisation de les affecter à la construction et facilités de continuer la perception du droit de pontonnage existant sur le port, à la charge néanmoins, d'indemniser le propriétaire du bac - c'est à dire Lesdiguières - des droits de passage qu'il percevait, le tout suivant liquidation qui serait faite, tant par les officiers de la chambre des comptes que par les trésoriers généraux de France.

En exécution des lettres patentes, une réunion générale des intéressés eut lieu en présence de Lesdiguières et d'Antoine Servien, procureur des états du pays, des conseillers du Parlement, de Pierre de Bocsozel, prieur et coseigneur de Vif, Hugues Chevalier, curé de Saint Paul les Monestier, des châtelains de Paquier, Allières, Eybens, Vif, Varces, Seyssins, le Gua...

A cette réunion il fut arrêté que, pour dédommager Lesdiguières, il serait demandé au roi l'établissement d'un péage sur le pont. En second lieu il fut délibéré qu'il serait levé une première somme de 6000 livres par contribution de toutes les communes des actuels cantons de Mens, Clelles, Monestier de Clermont et Vif, ainsi que Seyssins et Pariset.

La commune qui a le plus contribué à cette dépense est celle de Vif qui figure dans les répartitions officielles pour une somme de 2616 livres.

Il fallut ensuite procéder, une seconde fois, à la visite des lieux et à l'estimation des matériaux en place et dresser un nouvel état des travaux, lequel, plus précis, éleva le chiffre de la construction à une somme bien plus considérable que les premières prévisions.

Après diverses formalités, l'adjudication du pont fut passée au profit de Louis Bruisset, le 29 mai 1608, pour 18 000 livres.

Bruisset se mit à l'œuvre ; il s'occupa des préparatifs d'attraits et des premiers travaux mais, vers le commencement du mois d'août, il tomba et se noya dans le Drac. Les causes de sa mort sont diversement appréhendées. Selon Pilot, il serait tombé "en contemplant du haut du parapet, l'extrême hardiesse et la grande élévation du pont", selon un autre auteur "en détachant la clé du cintre" ; mais cela paraît bien improbable car les travaux ne devaient guère être avancés et c'est sans doute Bouchayer qui a raison en disant qu' "il se serait noyé en dressant l'échafaudage de l'arc du pont".

Sa mort occasionna un certain retard, parce que sa veuve et ses héritiers ne purent se charger de continuer l'entreprise qui fut subrogée, assez difficilement, le 19 août et pour le même prix à ]ehan Albert et Pierre Salomon, le premier maître maçon et le second maître charpentier, tous deux établis à la Mure. Ils avaient déjà à leur actif, le pont de Cognet sur le Drac et la réfection du pont de Brion sur l'Ebron. Ils devaient aussi édifier, en 1610, le pont sur l'Orbane entre Clelles et Saint Martin de Clelles.

Ceux-ci reprirent donc les travaux au point où les avait laissé Bruisset, mais ne tardèrent pas à réclamer un dédommagement complémentaire. Il fallut alors revenir sur le prix de l'adjudication et, pour ne pas surcharger les mêmes communes, par un nouvel appel de fonds, on se contenta d'étendre le périmètre des intéressés en y comprenant d'autres communes allant jusqu'au Gapençais et au Diois, pour une somme de 12 600 livres, ce qui porta la dépense totale à 30 600 livres.

L'arche du pont fut terminée au mois d'octobre 1610 ainsi qu'on peut l'induire d'un article du "compte des dépenses". Les travaux duraient alors depuis le mois de juin 1608, de sorte qu'on mit, pour la construction, sans comprendre les parapets et les abords, deux ans et quatre mois.

Il fut complètement terminé et livré à la circulation en 1611. On y éleva en 1624, au milieu, une porte qu'on fermait en abattant une herse et, au dessus de la porte et de chaque côté il y avait une inscription formulée à l'imitation des inscriptions lapidaires antiques avec une devise latine.

L'inscription tournée vers Grenoble était la suivante :

"Henri le Grand, très chrétien, roi de France et de Navarre, Dauphin de Viennois, Père de la Patrie, toujours Auguste, Victorieux, Triomphant. Après avoir vaincu ses ennemis et la paix rétablie, tant par mer que par terre en toute l'Europe, par l'avis et conduite de très illustre François de Bonne, Duc de Champsaur, seigneur des Diguières, pour le bien et commodité a jeté les fondements de ce merveilleux ouvrage. Romanas moles pudore suffundo" ("je fais honte aux constructions romaines").

La seconde inscription, tournée vers le Trièves, était la suivante ;

"Louis XIII, aussi très chrétien roi de France et de Navarre, Dauphin de Viennois, pour le même avis et conduite contre toute espérance lui a donné sa perfection et ordonné qu'il s'appellerait Pont de Bonne. L'an de grâce MDCXXIIII. Unus distantia jungo" ("unique par la longueur, je réunis").

Claude Expilly, qui s'attacha au service de Lesdiguières et se fit son historiographe, parlant des travaux entrepris par celui ci, s'exprime en des termes qui montrent bien pourquoi l'on fit de l'ouvrage l'une des "merveilles du Dauphiné" ;

"...Il(Lesdiguières) trouva moyen de bâtir ce pont admirable sur le Drac pour la commodité publique; pont qu'on ne peut voir sans l'admirer, haut, élevé d'une seule arche et d'un trait si grand et si long que le pont de Rialte à Venise ne veut rien dire au prix de celui ci. On void de haut, à qui les yeux assez asseurez pour regarder ci bas passer dessouz les piez, ce torrent insolent. On le voit courir, bondissant et mugissant comme un furieus torreau, confessant et reconnaissant que tout aussi que ce grand maréshal a pu vaincre et soumettre à lui tous les ennemis de son roi qu'il a rencontrez de même il scait apprendre aux fleuves et torrents les plus superbes qui samblent dédaigner les ponts à les souffrir et passer dessouz lui...".

L'ouvrage qui excita tant d'admiration lyrique est, de fait, une construction hardie pour l'époque, avec une arche unique de 46 mètres d'ouverture, élevée à 16 mètres au dessus de l'étiage moyen de la rivière.

Guy Allard en donne, pour sa part, la description suivante :

"il est à une heure de Grenoble, bâti sur le Drac, d'une seule arche, d'une largeur prodigieuse, ayant 22 toises et demi d'un fondement à l'autre, sur deux rochers dont la matière est de pierre blanche ; sa structure admirable et sa hauteur surprennent tous ceux qui le regardent...".

Le pont a bien résisté aux assauts du Drac et du temps réunis. La porte du pont, par contre, et ses deux emphatiques inscriptions sont depuis longtemps abattues. Le nom de Bonne, que l'orgueil du dernier Connétable de France aurait voulu imposer à une construction qu'il faisait passer pour son œuvre n'a jamais été donné par la population à ce nouveau pont qui semble n'avoir jamais été désigné que sous l'appellation de "Pont de Claix".

Mais si la construction du pont réglait définitivement le problème de la circulation des personnes et des marchandises, le Drac, toujours aussi impétueux et violent, continuait, comme par le passé, ses débordements et les dévastations qui s'ensuivaient.

Ainsi, en 1608, pendant même la construction du pont, il avait emporté les ouvrages de la Marcelline. Puis, il sortit à nouveau de son lit en 1612 et aussi en 1616 et 1619.

En 1650, tous les travaux d'endiguement sont à reprendre. C'est un Claixois, Claude Chalandon, entrepreneur qui les exécute. Mais ces travaux, comme tous ceux qui les avaient précédés s'avérèrent vain car une formidable crue se produisit en 1656. Celle-ci avait été provoquée par des pluies diluviennes, suivies d'une fonte rapide de neiges précoces et dévasta tout, transformant la plaine en lac jusqu'au 2 décembre. Il fallut beaucoup de temps et d'argent pour réparer les dégâts de cette crue qui amenait la plus forte hauteur d'eau enregistrée jusqu'alors, soit 6,50 mètres au dessus de l'étiage.

Mais le pont, cette fois ci, tenait bon.

La seconde moitié du XVIIème siècle voit encore se poursuivre les travaux. C'est d'ailleurs une alternance continue de travaux et de crues avec des années particulièrement noires : 1666, 1674, 1692...

L'intendant Le Bret, sur les ordres de Colbert, participa même aux travaux de défense du Drac. Ceux ci furent approuvés par Vauban lorsqu'il vint inspecter Grenoble.

Mais le Drac continue ses méfaits : février 1711, année 1733 (inondations conjuguées du Drac et de l'Isère ayant inspiré le "Grenoblo malherou"), 1737, décembre 1739, décembre 1740.

Se place ici un épisode romanesque, sinon historique, ayant pour cadre le pont de Claix. En 1754,le contrebandier Mandrin, marchant vers Montélimar à la tête de sa bande, se serait présenté, en plein jour, au passage du pont de Claix qui était fermé par une grille ; les employés des gabelles, préposés à la garde du pont étaient occupés dans le corps de garde, l'un d'eux faisant sentinelle...

"Mandrin arrive - relate la tradition - se fait ouvrir la grille et au moment où le gardien l'invite à entrer au corps de garde pour y faire les déclarations d'usage, il lui porte un coup mortel, l'étend par terre, repousse à coup de fusil les employés qui se pressent à la porte, ferme cette porte à clé sur eux et passe ensuite avec toute sa bande...".

La tradition qui ajoute toujours aux faits naturels des récits presque merveilleux, raconte que Mandrin assailli de tous côtés et sur le point d'être pris se serait précipité du haut du pont dans le Drac et enfui à la nage !

En octobre 1777 intervient ce qu'on a appelé le "déluge de la Saint Crépin". La Romanche et le Drac, démesurément grossis par des pluies diluviennes, firent s'écrouler plusieurs ponts. Mais celui de Claix tenait bon.

Les réparations et prolongations des digues reprirent. En juillet 1787, une nouvelle crue mit à mal les ouvrages puis, durant l'hiver 1788-1789, extrêmement rude, les digues du Drac furent encore endommagées cette fois par la débâcle des glaces.

Le pont de Claix faillit pourtant disparaître en 1814, non par suite de l'action des éléments naturels, mais par la volonté des hommes. Cette année là, en effet, au moment où les armées coalisées envahissaient le Dauphiné et menaçaient Grenoble, on songea, pour la défense de la ville, à faire sauter le pont de Claix ; selon A. Boume, on a pu voir, pendant longtemps, les chambres de mines creusées près de la clé de voûte !

Le début du XIXème siècle voit, après une grave crue en 1816, de nouveaux travaux mais, à chaque fois, les hommes devaient gagner un peu sur le torrent car les crues ultérieures furent de moindre effet sur les ouvrages de protection.

 Il avait fallu pas moins de sept longs siècles de luttes opiniâtres et permanentes pour venir à bout du "Dragon" !

C'est en 1865 qu'intervient un vœu pour la construction d'un nouveau pont "en contrebas du grand pont de Monsieur de Lesdiguières". La raison principale de ce vœu découlait essentiellement des difficultés que présentaient les abords du pont pour le roulage.

Après maintes études, qui durèrent sept ans, le nouveau pont, surbaissé, fut édifié en aval de l'ancien, en 1873, l'année même de la création officielle de la commune de Pont de Claix.

On notera encore que le "grand pont", qui avait fait la fierté de ses constructeurs et l'admiration de nos aïeux, fit l'objet, le 27 mai 1898 d'un décret le classant au titre des Monuments Historiques. C'est d'ailleurs l'un des tous premiers monuments de l'Isère à avoir bénéficié de cette mesure de protection et c'est toujours, du reste, le seul monument classé de Claix.

Il faut dire qu'il était encore fort admiré en cette fin du XIXème siècle car un guide touristique de cette époque en donnait la description suivante :

"On descend sous la clé de voûte du Pont de Claix par un sentier qui conduit sur le rocher servant de culée à droite ; alors, en levant la tête, on admire cette courbe élancée d'une hauteur extraordinaire. Si on élève la voix, un écho répète deux fois le cri et même la phrase entière".

 

Mise à jour le 03 septembre 2006